Campagne abandonnée


De toute façon vous n’auriez pas pu gagner. Voici pourquoi :

L’AMF (l’Association des maires de France) et le CEVIPOF (centre de recherches politiques de Sciences Po) ont produit une enquête en 2018 révélant que 49 % des maires ne souhaitent pas renouveler leur mandat en 2020. Un chiffre qui interroge, d’autant plus que les maires bénéficient du plus haut niveau de confiance des Français. Les raisons de ce désengagement ne sont pas nouvelles et traduisent les inquiétudes des élus locaux vis-à-vis de leurs responsabilités politiques et administratives.


Vieille France, vieux édiles

Il est important de préciser que l’âge des maires et la taille de la commune influencent ce choix décisif. Les petites communes (de moins de 500 habitants) sont davantage touchées par le non-renouvellement du mandat. Dans le cas présent, 55 % des maires envisagent l’abandon de poste contre 9 % pour les communes de plus de 30 000 habitants. Couplé à la taille de la ville, l’âge est un facteur également important. De nombreux maires (et plus particulièrement dans les petites communes) ne renouvellent pas leur mandat à cause de leur âge, estimant avoir accompli leur devoir civique. Rappelons que l’âge moyen des maires en France est de 62 ans. Le profil de notre personnage Philippe Le Bihan, ne tient donc pas au hasard.


Travailler plus et gagner moins

Philippe Rion, élu sans étiquette à Castillon (Alpes-Maritimes, 376 habitants en 2016) fait partie de ces maires qui ont décidé de jeter l’éponge avant même de terminer leur mandat. La baisse des dotations a été la motivation principale de cet élu. Économies sur l’essence des véhicules municipaux, annulation des commémorations : tous les moyens sont bons pour maintenir le budget de la ville. 33,9 % des maires interrogés dans l’enquête du CEVIPOF affirment que le manque de financements est une des causes profondes de leur désengagement politique. S’ajoute à cela une bureaucratisation toujours plus importante et la disparition progressive des contrats aidés. La réduction de ces effectifs entraînent pour les élus une surcharge de travail qui impacte directement leur vie familiale, autre grand motif de leur découragement.

Le creusement du déficit des mairies est d’autant plus fort pour les petites communes. Ce qui pousse les maires dans leurs retranchements. Les élus se retrouvent face aux dilemmes auxquels vous avez été confronté dans le jeu. Faut-il s’endetter encore plus ou augmenter la taxe d’habitation, au risque de rompre le lien de confiance avec les habitants ? Face à ces contraintes économiques, 46 % des maires privilégient les reports d’investissement, 17 % la réduction des services publics et 13 % l’augmentation des impôts.


Maires balancés de tous côtés

Le gouvernement de François Hollande votait en 2015 la loi NOTRe qui réformait l’organisation territoriale de la France. Or, 75 % des maires considèrent que cette loi a eu des effets négatifs sur leur mandat. Celle-ci a en effet entraîné une perte des compétences et moyens des municipalités au profit des communautés de communes. La question de l’intercommunalité* représente un véritable enjeu pour ces élus qui se sentent dépossédés de leur pouvoir décisionnel.

« Rôle de figurant », « sans pouvoir », les maires expriment un ras-le-bol général face aux contraintes imposées par l’État. Cette tendance centralisatrice n’est pas bien reçue par les maires qui se sentent relégués à un rôle d’exécutant de la politique nationale. La perte progressive de certaines compétences se conjugue difficilement avec les attentes, toujours plus exigeantes, des citoyens. Ces derniers s’inquiètent de l’augmentation des taxes et de leur pouvoir d’achat. L’apparition du hashtag #balancetonmaire en octobre 2018 atteste de ce climat délétère.


« Engagez-vous » qu’ils disaient

Le gouvernement d’Emmanuel Macron entend apporter des réponses aux maires qui souhaitent rendre leur écharpe. Le projet de loi « engagement et proximité » qui a été adopté par le Sénat en première lecture le 22 octobre 2019 vise à améliorer le quotidien des maires des petites communes. Cette loi a pour ambition de renforcer le pouvoir des élus dans les intercommunalités en s’attaquant à certaines dispositions de la loi NOTRe (pouvoirs de police renforcés, transfert des compétences comme l’eau et l’assainissement, etc.) À l’aube des élections municipales de 2020, susciter la vocation de maire est devenu un enjeu.

* « L'intercommunalité permet aux communes de se regrouper au sein d'un établissement public soit pour assurer certaines prestations (ramassage des ordures ménagères, assainissement, transports urbains...), soit pour élaborer de véritables projets de développement économique, d'aménagement ou d'urbanisme. » (INSEE)