FEMMES MAIRES : PEUT MIEUX FAIRE

Le quotidien des élues
face au sexisme

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Au Congrès des maires de France, en 2015, le photographe Corentin Fohlen capture une assemblée composée essentiellement du profil-type du maire en France : un homme, blanc, d’une soixantaine d’années. Il faut ouvrir grand les yeux pour apercevoir quelques femmes.

Cette photo n’est qu’une illustration de la réalité : 17% des maires en France sont des femmes.

Qu’est ce qui a changé depuis les premières lois sur la parité? La Bretagne a réalisé, au-delà des études quantitatives, un rapport "Parité 2020 : citoyenne aujourd’hui, maire demain ? Diagnostic sur le territoire breton et propositions d’actions", Leïla Morvan, septembre 2018. Rapport réalisé par l’association Elles aussi, la Région Bretagne et la Direction régionale aux droits des femmes et à l’égalité sur la place des femmes dans les municipalités bretonnes. Bilan : quantitativement, la part des femmes dans les conseils à la tête des mairies a effectivement augmenté. Mais dans la pratique du pouvoir, elles continuent d’être victimes d’inégalités et de sexisme.

Depuis 20 ans, la parité en chantier


Depuis qu’il a été inscrit dans la Constitution que "La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives", plusieurs lois ont été adoptées.

Loi du 6 juin 2000 : la parité stricte sur les scrutins de liste est adoptée, pour les communes de plus de 3 500 habitants. Mais à cette date, l’alternance homme/femme des candidats n’était pas obligatoire : les trois premiers d’une liste pouvaient être des hommes et les trois suivantes des femmes.

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Loi du 31 janvier 2007 : stricte alternance femme/homme dans la composition des listes des communes de plus de 3 500 habitants.

Loi du 17 mai 2013 : l’alternance femme/homme sur les listes devient obligatoire pour toutes les communes de plus de 1 000 habitants.

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En chiffres : Une lente féminisation des mandats de maire


La particularité des petites communes


Cependant, ces chiffres ne sont pas identiques partout. Notamment dans les communes de moins de 1000 habitants : l’obligation de parité ne s’applique pas, et pourtant les maires sont plus souvent des femmes que dans les communes de plus de 1 000 habitants. C’est d’autant plus vrai en Bretagne.

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74 %
Des communes françaises comptent moins de 1 000 habitants

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40 %
Des communes bretonnes comptent moins de 1 000 habitants


Et concrètement ?

Même si la tendance va dans le bon sens depuis les différentes lois de parité, d’autres choses n’ont pas changé. Au-delà des chiffres, les femmes continuent de subir des freins à leur engagement en politique locale. C’est ce qu’indique le rapport “Parité 2020 : Citoyenne aujourd’hui, maire demain ?”

publié en septembre 2018 par l’association Elles aussi, la Région Bretagne et la Direction régionale aux droits des femmes et à l’égalité. En interrogeant des maires de la région, ce rapport établit un diagnostic sur la place des femmes dans les municipalités bretonnes, et les solutions pour améliorer la situation.

Mairie - boulot - maison : la triple journée des élues


Il faut être une bonne élue, une bonne femme, efficace au travail et voilà !

Tous les maires qui continuent d’exercer leur activité professionnelle doivent assumer leur double casquette de travailleur et d’élu. A cause de l’inégale répartition des tâches domestiques entre les hommes et les femmes, les élues doivent, elles, faire face non pas à une double mais à une triple journée.

A cause de l’investissement qu’il demande, le mandat de maire est difficilement conciliable avec une activité professionnelle à temps plein, pour les hommes comme pour les femmes.

Le travail domestique, un frein à l’engagement des femmes


Selon la dernière enquête "Emploi du temps" de l’Insee L’étude, qui date de 2010, permet de quantifier la manière dont les individus occupent leurs journées, et notamment le nombre d'heures passées au travail professionnel ou domestique., les femmes réalisent les deux tiers des tâches domestiques, contre seulement un tiers pour les hommes. Victor Marneur, doctorant en sciences politiques à Sciences Po Bordeaux, a consacré sa thèse à l’accès des femmes aux mandats locaux. Interviewé par Le Monde en 2016, il précise : Lorsqu’on les interroge, certaines femmes élues évoquent immédiatement les journées à rallonge, les remarques de la famille et même, dans certains cas, les reproches de leur mari. Les hommes ne font pas du tout le même récit de leur engagement politique  : ils n’évoquent jamais le problème de leur emploi du temps ou le poids des tâches domestiques.

Pourtant, la politique prend du temps. Mais au lieu d’être le fruit d’une meilleure répartition des tâches domestiques, l’engagement des femmes dans la politique locale est souvent facilité par un allègement des tâches. Mon fils avait 20 ans quand je suis rentrée en fonction. Et ça n’aurait pas été possible autrement, ou je vois mal comment. Maire d’une commune de 22 000 habitants.

Une des maires du rapport insiste, elle, sur le soutien de son conjoint : J'ai la chance d'avoir un mari qui assume complètement. C'est lui qui fait tout le temps la cuisine, il s'occupe parfaitement des enfants, il fait le ménage… Mais je reconnais que j'ai une chance énorme avec mon mari, ce n'est pas forcément le cas de toutes les femmes. Adjointe d’une commune de 1 100 habitants.

Santé et social pour les femmes, finances et urbanisme pour les hommes


40% des conseillers municipaux sont des femmes. Malgré cette quasi-parité, la plupart des attributions de délégations se font de manière genrée : aux hommes les finances ou l’urbanisme, et aux femmes l’enfance, les affaires sociales et l’éducation, des délégations moins valorisées et traditionnellement associées aux femmes.

Une adjointe dans une commune de 3700 habitants illustre bien ce phénomène. Elle explique son recrutement à la délégation aux associations en 2001 :

Le maire qui était en place à ce moment-là avait six adjoints : trois hommes, trois femmes. Aux trois femmes, il a proposé à l’une l’éducation, à l’autre le social, et à la troisième les associations.

Pourtant, l’adjointe est secrétaire-comptable, un poste qui lui permettrait d’accéder à une autre délégation, comme les finances. Elle l’obtient après plusieurs années :

Arrivée à mon troisième mandat, nous avons eu un nouveau maire. En accord avec lui, j’ai obtenu les finances. Mais cette fois, c’est moi qui ai demandé.

Les femmes politiques toujours confrontées à des violences sexistes


Attaques Sexistes

Au quotidien, les femmes maires ou conseillères municipales sont confrontées à des violences sexistes. Ces attaques perpétuent des stéréotypes encore profondément ancrés.
Dans les consciences collectives, le genre féminin a du mal à être associé à la notion de pouvoir.

« On a dit de moi : « elle a des couilles ! ». C’est fou quoi ! D’être qualifiée par les attributs de l’homme… On n’arrive pas encore à avoir une représentation et des mots qui accompagnent la prise de responsabilité des femmes. » Maire d’une commune de moins de 1 000 habitants.

« J'avais un adjoint à l'urbanisme, qui était nouveau et ne s'était jamais engagé politiquement. En réunion d'urbanisme, on recevait des architectes, des bailleurs sociaux… Les gens allaient le voir et disaient "Bonjour, monsieur le maire”… Il y avait un homme avec moi, donc c'était lui le maire, et pas moi. » Maire sortante d’une commune de 4 800 habitants."

En 2017 Marie-Claire Diouron succède au maire de Saint Brieuc Bruno Joncour, investi à l’Assemblée nationale. Sur les murs de la ville sont collées des affiches sous-entendant que la maire avait usé de ses charmes pour pouvoir obtenir le poste.

« De toute façon, [la maire] a couché avec la moitié de la commune, ça ne m’étonne pas ! » Propos tenu par un candidat de la liste concurrente après les résultats des élections dans une commune de moins de 1 000 habitants.

« J’ai été adjointe pendant 16 ans et je n’ai jamais eu de problèmes ; là je suis maire, on s’attaque aux symboles féminins », proteste-t-elle dans 20 minutes

SOURCES

TRAVAIL REALISE PAR