[REPORTAGE] Le HybLab, un dispositif pédagogique unique en France

[REPORTAGE] Le HybLab, un dispositif pédagogique unique en France

En novembre dernier, quelques 80 étudiants rennais ont participé à l’aventure HybLab et ont réalisé en équipe pluridisciplinaire, un projet de datajournalisme. Depuis 2013, plus de 1000 étudiants ont déjà participé à l’expérience, organisée par le cluster Ouest Médialab et soutenue par une dizaine de collectivités. Immersion au coeur d’un dispositif pédagogique unique en France, à travers l’exemple du dernier HybLab rennais.

Serveur HTTP type apache, D3.js, Angular Développement, librairie Bootstrap ou javascript… voici quelques éléments de langage des étudiants ingénieurs. Cercle chromatique, typo, picto, moodboard, maquette wireframe et format vectoriel : vous êtes entrés dans l’univers chamarré des graphistes designers. Titres, chapeaux, exergues, légendes, angles : vous venez d’entrer dans la salle de rédac’ des apprentis journalistes. Vous n’y comprenez rien, ou du moins, vous ne comprenez pas tout ? C’est normal ! Bienvenue dans le monde merveilleux du HybLab, un hackathon de plusieurs en jours pour expérimenter en équipe hybride des projets numériques innovants. Ça ne fait pas mal, rassurez-vous.

Le coup d’envoi du hackathon n’a pas encore été donné mais deux semaines auparavant, les 80 étudiants rennais de Lisaa (graphisme – design), l’Insa (informatique) et de Sciences Po Rennes (journalisme) se sont réunis au Pôle Numérique de la ville, de bon matin. L’amphi est plein à craquer. Ces étudiants ne se sont jamais rencontrés auparavant et n’ont, pour la plupart, jamais fait de datajournalisme. L’idée, à cette étape, est de faire connaissance et de cerner les complémentarités de chacun. La constitution des équipes, composée chacune d’étudiants des trois écoles, se profile grâce à une main innocente, qui pioche des numéros inscrits sur des bouts de papier. Une à une, les 10 équipes se dessinent et se voient attribuer un projet, dans ses grandes lignes, amené par un média ou par une collectivité. Les étudiants rassemblés autour d’un sujet énigmatique, prennent peu à peu possession des lieux et se dispersent au calme dans les salles du bâtiment pour partager leurs doutes face à cet exercice inhabituel et dont ils peinent encore à percevoir les enjeux.

 © François Camard (Lisaa Rennes)

© François Camard (Lisaa Rennes)

 

Lors des premiers échanges au sein des équipes, chacun réfléchit à ce qu’il peut apporter. On découvre l’autre et son attrait mystérieux pour les lignes de code ou les cercles chromatiques. On se demande ce qui l’a poussé à faire telles ou telles études et qu’est-ce qu’il va bien pouvoir devenir plus tard.

Chaque membre de l’équipe se voit remettre une fiche portrait sur laquelle il doit indiquer ses compétences, ses points faibles et ses points forts, un signe particulier, qui n’a, à priori, rien à voir avec le HybLab, mais qui permet de briser la glace.

fiche-web

« Je ne comprends pas ce que vous me dites »

« On doit faire la liste de nos compétences à tous. Et si on faisait par écoles, vous 3 vous marquez vos compétences parce qu’en fait … je comprends pas ce que vous me dites » propose une étudiante dans une équipe fraichement constituée.

Si cette entrée en matière peut s’avérer déroutante, très vite, les étudiants trouvent des terrains d’entente. Tous se demandent un peu ce qu’ils font là. Et surtout ce qu’ils vont bien pouvoir faire ensemble. Les équipes passent tour à tour sur la scène de l’amphi pour se présenter. C’est au tour du groupe d’étudiants qui travaille sur les accidents corporels.

« Dans notre équipe, on a trois étudiants de Lisaa, qui ont réalisé un poster sur les chevaux. Clem, elle fait des trucs qui bougent, c’est du motion design apparemment. Vincent a déjà fait de la dataviz. Nous, on sait faire des trucs avec des souris et ça ouvre des pages. On a un challenge, c’est qu’on va faire un truc sexy avec notre sujet. »

Avec une bonne dose d’autodérision, les speakers autoproclamés des équipes en font des tonnes et exaltent à la criée les compétences de chaque étudiant. Chacun prend peu à peu conscience de son rôle au sein de l’équipe. Et sent la pression monter d’un cran. Celle du collectif. “Et si je ne suis pas à la hauteur ?” peut-on lire sur les visages inquiets, disséminés derrière un sourire qui veut détendre l’atmosphère.

Quelques semaines plus tard, le Hackathon peut commencer. Sur les premières heures, l’idée est de faire connaissance avec les données et le porteur de projet. Tout le monde se met autour de la table pour explorer les données, en laissant de côté sa casquette en graphisme, en informatique ou en journalisme.

DOMINIQUE-KERGOSIEN

Dominique Kergosien, déléguée aux projets de transformation numérique au Département d’Ille-et-Vilaine, porteur de projet au HybLab Rennes

 

« La première tentation est de participer via sa spécialisation. Les étudiants de LISAA vont réfléchir en termes d’interface, ceux de l’INSA pensent tout de suite solution technique et ceux de Sciences Po pensent politique publique. La force du processus, c’est de les interroger sur leur regard en tant qu’usager et d’arriver à poser un regard qui s’affranchit du regard de futur expert. Chacun peut apporter quelque chose à plusieurs moments du projet. » analyse Dominique Kergosien, du Département d’Ille-et-Vilaine, porteur d’un projet sur les espaces naturels sensibles.

Yves-Pascouau

Yves Pascouau, éditeur du site European Migration Law et porteur de projet au HybLab rennais

 

« Chacun est beaucoup plus à l’aise dans sa zone de confort. Les étudiants ont commencé à avoir des pierres de touche communes et à trouver des éléments de discussion. C’est un processus intéressant de voir comment est-ce que chacun arrive progressivement sur le cadre de compétences de l’autre et à trouver les points de liens et d’ancrage pour que le projet puisse prendre corps. » décrit Yves Pascouau, chercheur à l’Université de Nantes. Éditeur du site European Migration Law, ce porteur de projet travaille avec les étudiants sur les franchissements irréguliers des frontières extérieures à l’espace Schengen. « Chacun a progressivement trouvé sa place dans le projet. À la fin de la première journée, tout le monde s’est mis en musique et tout le monde a compris la destination du projet et son rôle dans le projet ».

Vers l’hybridation des compétences ?

« Ça, c’est le langage Sciences Po »

Durant les 4 jours, l’équipe pédagogique fait régulièrement le tour des équipes pour faire des points intermédiaires sur l’avancée du projet et redresser la barre si nécessaire. Une étudiante en informatique interpelle ses co-équipiers : « moi il y a des choses que je ne comprends pas. Le prof qui vient nous dire tout le temps : « Quelle histoire vous racontez ? Qu’est-ce que vous voulez montrer ? » Moi ça ne me parle pas. Je ne suis pas sure de comprendre ce qu’ils veulent ». « Ça, c’est le langage Sciences Po », lui répondra l’équipe.

Les étudiants essaient d’expliquer aux autres ce qu’ils font. Pour Alexis, lui aussi étudiant à l’INSA, cet exercice relève de la vulgarisation.

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« Ça nous apprend à travailler ensemble »

« On arrive à discuter les uns et les autres de ce qu’on fait, on voit comment les autres travaillent mais pour autant on n’a pas fait de code et on n’a pas dessiné » ajoute Camille, étudiante en deuxième année de master journalisme à Sciences Po Rennes.

Et là n’est pas l’essentiel. Car l’objectif du HybLab n’est pas d’hybrider les compétences mais de les croiser. Et cet étudiant en journalisme l’a très bien compris : « Le plus important est que ça nous apprend à travailler ensemble. L’idée n’est pas d’être capables de savoir tout faire soi-même mais d’être capable de travailler avec des gens qui ont pas forcément le même jargon ou le même système de pensée. »

Christophe Gimbert, responsable de master à Sciences Po Rennes

Christophe Gimbert, responsable de master à Sciences Po Rennes

 

« La difficulté pour les étudiants, c’est de trouver un langage commun. On a tous nos jargons respectifs. Aujourd’hui quand on est journaliste et qu’on veut faire du long format, on va travailler avec des développeurs et des graphistes et si ils ont compris des éléments de ce langage-là, c’est déjà une belle étape » complète son enseignant, Christophe Gimbert, responsable du Master journalisme à Sciences Po Rennes. « Pour eux, c’est un vrai travail de confrontation de leurs idées à des propositions de professionnels ou d’encadrants qui viennent d’univers différents » poursuit l’enseignant.

© François Camard (Lisaa Rennes)

© François Camard (Lisaa Rennes)

 

Le hackathon n’a pas vocation à former des journalistes au code ou des graphistes au journalisme. Ces 4 jours permettent en revanche de s’acculturer et de prendre conscience des réalités et du logiciel de l’autre, de prendre en compte ses contraintes.

Mais alors, qu’est-ce qui fait que ça prend ? Comment aller dans la même direction, même en restant chacun dans son domaine de prédilection ?

Si les étudiants tentent plutôt d’apporter leur patte à un moment clé du projet : « c’est bien que tout le monde apporte son avis sur chacune des étapes » pense Corentin, étudiant en informatique.

© François Camard (Lisaa Rennes)

© François Camard (Lisaa Rennes)

 

« C’est pas parce qu’on est bon dans un domaine qu’on doit être cloisonné dans ce domaine-là. Il faut vraiment mettre à disposition chacune des ressources de l’équipe et voir ce qu’on peut faire ensemble » ajoute Alexis, lui aussi étudiant à l’INSA de Rennes.

Et pour cela, le HybLab intègre des missions qui sont l’affaire de tous, comme l’analyse des données, les propositions d’angles et de dataviz, le storyboard ou encore la préparation du pitch. De quoi donner du grain à moudre à toute l’équipe, voire parfois même du fil à retordre…

Se frotter aux réalités du monde professionnel

Le HybLab créé un contexte qui met les étudiants en situation de s’adapter et d’innover.

François-Guillaume Derrien, journaliste à Ouest-France, lauréat du hybLab rennais

François-Guillaume Derrien, journaliste à Ouest-France, lauréat du hybLab rennais

 

Pour François-Guillaume Derrien, journaliste à Ouest-France et porteur du projet lauréat, le HybLab « confronte les étudiants à la réalité de leur métier plus tard. L’idée, c’est que 2 jours après le rendu du projet, il soit en ligne sur le site de Ouest-France et ça, c’est stimulant. »

« Une conscience autre que le travail scolaire »

« Avoir un support pour que le contenu soit diffusé, ça nous responsabilise, ça nous force à nous bouger et ça nous donne une conscience autre que le travail scolaire » reconnaît Grégoire, étudiant en journalisme à Sciences Po Rennes. « C’est pas juste une petite brève faite comme ça sur le pouce. Ce sera quelque chose qu’on mettra dans notre CV. C’est une propriété collective. » poursuit l’étudiant.

Pour Nolwen, étudiante en graphisme, la motivation réside aussi dans la fierté d’avoir un travail abouti et publiable à la fin du hackathon. Leur équipe, qui planche sur les revendications féministes en ligne, s’est d’ailleurs battue corps et âmes pour publier leur projet dans les pages de Libération. Ils auront obtenu un billet dans le fil d’actu live du média.

« Dans un shaker temporel, dans un temps relativement court, tout cela prend une dimension expérientielle remarquable. Le HybLab permet de rester au plus proche des attendus professionnels. Pour certains étudiants, il peut même être un incubateur de projets professionnels. » constate François Camard, responsable pédagogique à LISAA de Rennes.

© François Camard (Lisaa Rennes)

© François Camard (Lisaa Rennes)

« Je sens qu’il va y avoir beaucoup de frustration »

Pour d’autres, les délais semblent trop courts. Plus le temps passe et plus ils se disent qu’il en manqueront. « Je sens qu’il va y avoir beaucoup de frustration à l’issue du hackathon. Ce serait bien qu’on ait un truc publiable ou au moins exploitable par le développeur du porteur de projet » nous confie un étudiant de Sciences Po Rennes. L’expérience relève alors parfois davantage du « on va faire ce qu’on peut » que du « on va se battre pour le faire. »

C’est aussi l’intérêt de la mise en situation par le mode projet, nous explique Catherine Fayol, ingénieur pédagogique à l’INSA Rennes. Le HybLab pousse les étudiants à se poser des questions auxquelles ils seront confrontés durant leur carrière, du type « quelle décision prend-t-on au vu des délais impartis et des ressources dont on dispose ? »

Savoir être et savoir faire ensemble

Empathie, capacité d’écoute, capacité d’adaptation à un contexte et aux logiques de l’autre, capacité à résoudre un problème collectivement… Le HybLab permet aux étudiants de développer des compétences qui relèvent aussi du savoir-être et du savoir-faire ensemble.  

« Pour ceux qui codent, on doit être précis au niveau de la taille, des formats, des couleurs… Ça nous apprend aussi à devoir nous adapter à d’autres personnes » raconte Nolwen, apprentie graphiste à Lisaa.

Le cadre de l’exercice doit aussi permettre de se tromper. Et d’en tirer des enseignements.

« Ils ont le droit de ne pas y arriver »

« J’essaye de les orienter un peu mais j’ai aussi envie que ce soit leur projet. Quitte à ce qu’ils se plantent. Au moins ils auront appris quelque chose » explique Johann Foucault, journaliste pour Actu.fr (PubliHebdos), porteur d’un projet au HybLab. Cette culture de l’échec, on la retrouve aussi du côté de l’enseignant « Je ne perds pas de vue qu’on est dans la pédagogie, donc ils ont le droit ne pas y arriver. Ils peuvent se planter mais en revanche il faut comprendre les mécanismes qui ont abouti à l’échec. » déclare Christophe Gimbert, encadrant de Sciences Po Rennes.

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« Le HybLab est avant tout une hybridation des personnes. C’est une rencontre. L’esprit cartésien des élèves ingénieurs de l’INSA, codeurs logiques, se frotte à l’imaginaire sensible des designers en arts appliqués accompagnés par la vivacité intellectuelle, analytique, verbal des étudiants de l’institut d’études politiques de Rennes » commente François Camard, responsable pédagogique à Lisaa Rennes.

Au-delà du brassage des compétences et des logiciels de chacun, le HybLab permet aussi de favoriser la mixité dans les équipes, tant sur le plan du genre, que sur le plan générationnel. Les porteurs de projet présents sur le hackathon bénéficient d’un oeil neuf et les étudiants repartent quant à eux avec des conseils de professionnels émérites. Enfin, ce hackathon est vecteur de mixité sociale. Car le HybLab, c’est aussi la rencontre entre un étudiant qui apporte chaque jour son unité centrale pour travailler et un autre étudiant qui possède un mac dernier cri. Voici tout autant de raisons qui font du HybLab un formidable terrain de jeu pour l’ouverture d’esprit.

Une relation aux enseignants sur un mode horizontal

Si leur posture semble varier d’une école à l’autre, les enseignants se positionnent tous davantage en coach ou en accompagnant au sein du HybLab et leur relation avec l’équipe d’étudiants s’inscrit dans un mode coopératif.

« Les profs nous ont averti qu’on fonçait droit dans le mur »

« On est partis sur des angles qui ne tenaient pas la route et les profs de journalisme nous ont averti qu’on fonçait droit dans le mur. Ça a mené au conflit. Mais on a réussi à rebondir en discutant avec eux. » raconte Grégoire, apprenti journaliste. « C’est du conseil professionnalisant et bienveillant. »

Une étudiante de l’INSA se demande même si son équipe doit suivre à la lettre les recommandations de l’équipe encadrante : « C’est un peu le genre de projets où l’on peut se permettre d’essayer des trucs nous-mêmes. »

« C’est toujours bien d’être guidé, qu’on nous donne les étapes à suivre et la structure du projet. Sans ça, même si c’est pas compliqué, on pourrait perdre beaucoup de temps sans s’en apercevoir » reconnaît Corentin, étudiant en informatique.

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Comme le rappelle Christophe Gimbert, encadrant de Sciences Po Rennes, « Il n’y a pas en permanence un enseignant pour leur dire ce qu’il faut réaliser ou ce à quoi il faut penser. » Et pour certains étudiants, cette posture légèrement plus en retrait qu’à l’accoutumée rend l’exercice plus compliqué.

En somme, l’équipe pédagogique, composée des enseignants des trois écoles mais aussi de professionnels chevronnés, veille surtout à orienter les équipes : « On va les aider dans le maquettage. On ne le faisait pas avant et on s’apercevait trop tard qu’ils étaient partis sur des non sens, comme cartographier des choses qui ne se prêtent pas à la carto » explique Julien Kostrèche, directeur de Ouest Médialab, à l’équipe pédagogique avant de faire le point avec eux sur l’avancement des projets.

«  Le prof qui sort de sa zone de confort »

Certains enseignants vont jusqu’à se remettre eux-mêmes en question, comme Yann Ricquebourg, de l’INSA Rennes qui explique avoir été contraint de regarder des tutos sur internet pour monter en compétences sur un point bloquant pour certains de ses étudiants. « Durant un Hyblab, c’est aussi le prof qui sort de sa zone de confort et qui se challenge. » L’enseignant suggère même l’idée d’une équipe composée exclusivement d’enseignants sur un prochain HybLab.

Même son de cloche pour François Camard, responsable pédagogique de Lisaa de Rennes, pour qui le HybLab est un défi non seulement pour les étudiants mais aussi pour les enseignants.

Un dispositif qui fait son chemin et emporte l’adhésion des écoles

En 14 hackathons organisés depuis 2013, le constat est sans appel : les étudiants qui jouent le jeu et s’évertuent à aller sur le terrain de l’autre voient d’un bon oeil la dimension expérimentale de l’exercice. Et utilisent à bon escient cette opportunité pédagogique. Dans ce cas de figure idéal, la magie opère, tout le monde se met en musique et l’équipe trouve rapidement son rythme de croisière. Au vu des marasmes épisodiques et des rebondissements à répétition, certaines équipes ne donnaient pas cher de leur peau et finiront pourtant sur le podium.

Comme toujours, certains seront plus rétifs, pour ne pas dire réfractaires à l’expérience. Ils s’affranchissent à bon compte du HybLab car ne se sentent pas concernés, ni par le datajournalisme, ni par le croisement des compétences. Le HybLab ne représente pour eux qu’une note, obtenue en faisant acte de présence. Certains d’entre eux prendront conscience que les étudiants des autres écoles sont eux notés sur le rendu final du projet et mettront alors les mains dans le cambouis, à la dernière minute, par esprit de solidarité.

Couette

« Il y a des équipes où les étudiants avancent chacun dans leurs domaines et font des points réguliers. D’autres où tout le monde se mêle de tout. Et des équipes où ça ne prend pas. » observe Catherine Fayol, ingénieur pédagogique à l’INSA Rennes.

En 4 ans d’existence, 17 écoles ont été partenaires du hackathon. La grande majorité est convaincue de l’intérêt pédagogique de ce dispositif et renouvelle l’expérience chaque année.

Pour les jeunes graphistes en devenir de LISAA Rennes, le HybLab est l’occasion de « sortir du cycle conventionnel des sujets à travers une expérience d’hybridation qui les confronte aux médias numériques : concept, design d’identité visuelle, design d’interfaces, visualisation de données… toutes les dimensions de la pratique du design graphique numérique contemporain sont mises en œuvre » explique leur responsable pédagogique, François Camard. « Pour les enseignants, c’est aussi l’occasion de tester et de confronter les niveaux de compétences des étudiants et de faire évoluer les maquettes et les projets pédagogiques. »

Pour Christophe Gimbert, enseignant-chercheur à Sciences Po Rennes, réunir des établissements d’enseignement supérieur ayant des temporalités et des maquettes pédagogiques différentes est déjà une prouesse en soi. Pour Sciences Po Rennes, qui participe depuis 3 ans au hackathon, le HybLab est un moment particulier dans l’année : il permet de faire de l’applicatif sur des cours qu’ont eu les étudiants en amont du hackathon. En interne, intégrer le HybLab dans la maquette pédagogique demande un investissement temps important pour les écoles.

« Les freins à l’innovation pédagogique sont variés mais pas insurmontables. On aurait pu choisir de pas s’en saisir et de pas l’intégrer dans nos maquettes. Et personne ne nous l’aurait reproché. Nous, on est au HybLab parce qu’on y croit et qu’on a eu le feu vert de la direction. » déclare Christophe Gimbert.

Le croisement des compétences, c’est l’un des domaines de recherche de Carole Lerendu. Cette enseignante chercheur à Audencia pilote la démarche C4B (Competencies For Business), un référentiel de compétences qui vise à intégrer au mieux l’évolution des attentes. Nous l’avons rencontré le 23 novembre dernier, lors d’une table ronde organisée par EducPros et Audencia Sciencescom au Mediacampus. 

Quels sont les profils recherchés par les entreprises aujourd’hui ?

« Le leader de demain aura une capacité relationnelle forte au-delà de son expertise et de sa légitimité en tant qu’expert. Il aura une attention aux autres, une empathie, une intelligence émotionnelle, une intuition… On a un peu trop longtemps travaillé une seule forme d’intelligence, celle de type cognitive. Il est important de travailler toutes les formes d’intelligence. »

Pourquoi croiser les compétences ?

« Les étudiants sont les premiers convaincus d’aller vers l’hybridation des compétences pour produire quelques chose de nouveau. Il faut créer un contexte qui les mette en situation de s’adapter, d’innover, d’où la création de nouveaux lieux et de situations en mode projet pour comprendre et s’adapter aux réalités et au logiciel de l’autre. »

Que pensez-vous du HybLab ?

« C’est génial comme dispositif. D’abord parce que c’est l’équivalent de ce qu’ils rencontreront dans la vie professionnelle. C’est d’avoir des actions à mener dans des délais déterminés avec une pression temporelle. C’est juste les mettre en situation. Et puis ensuite c’est croiser sur ce temps restreint des regards différents. C’est trouver des modalités de faire ensemble, de se faire confiance, de coopérer de façon assez rapide. Donc c’est monter en compétences sur ces éléments du faire ensemble. Je pense que c’est des formats très efficients, très intéressants qui sont vraiment la base de la pluridisciplinarité, de l’interdisciplinarité. Comment aussi on va aussi construire quelque chose de nouveau, on est pas dans la simple somme des uns et des autres parce qu’on est capable d’échanger, de produire des nouveaux savoirs, des nouvelles problématiques et des choses qui n’auraient pas émergé si on était pas sur ce format là je pense. »